HOMMAGE A RAUL MALDONADO

Maestro Raùl Biendonado !

Maldonado portrait

Accueillis à bras ouverts dans le grand salon de la spacieuse Ambassade d’Argentine à Paris, se pressaient moult spectateurs, pour assister à un concert-hommage d’envergure au compositeur, guitariste et chanteur bien connu Raùl MALDONADO.


A l’ouverture de ce concert unique : La Danza pour 4 guitares, jouée par T. Lèbre, Q. Lupinko, Clotilde Bernard et B. Hubert. C’est une pièce entraînante, exaltée, puissamment rythmée et chantante.

Peu après, une charmante surprise nous présentait une lecture dansée (Julieta Cruzado) de la chacarera La Misterio, rythmée à la guitare par Laurent Boutros.

Grâce au Trio à Cordes Pincées de Paris (clavecin, guitare et charango, avec Zdenka Ostadalova, Gérard Verba et José Mendoza), je découvrais avec ravissement un délice odorant joué avec une assurance chaloupée : la Fin del Rio (de la Suite Paranasera). Les thèmes s’échangent de timbre en timbre comme le papillon va d’une fleur à l’autre, et sans que l’on en comprenne d’emblée la logique, ce qui lui confère un charme irrésistible.

Chaya (transcription d’un mouvement du concerto Viento del Luz pour quatuor à cordes), musique puissante et tellurique empoignée avec la sonorité pleine et généreuse de Mauricio Diaz Alvarez (à qui l’on doit, si j’ai bien compris, le projet de ce concert), refermait le concert avec un égal vif succès.

Nous ne pouvons tout commenter des autres pièces jouées de mains de maîtres par Jaume Torrent (qui se lançait avec vigueur dans la première mondiale de Don Celestino pour guitare seule), par A. Schito (Un violon dans la nuit) et H. Charpentier (violons), par M. Le Gourrirec (alto), T. Brandily (cello), L. Abonizo (piano) et Pereya (bandonéon) pour Magnolia Negra.

Enfin –  divine surprise ! – un encore nous tomba du ciel, offert par le Maître lui-même, dont la stature de guitariste cache une exquise modestie : Maldonado est un chanteur de haut vol, on ne le sait pas assez.

Par une présentation liminaire en Français, de cette voix douce et chantante qu’on lui connaît, colorée par un accent argentin qui me rappelle irrésistiblement celui de l’écrivain J.-L. Borges, il nous contait d’abord une anecdote comme il aime et sait si bien le faire. C’était dans les années 1970 : Maldonado y reçut un poème des mains d’un Argentin aux cheveux noirs de corbeau, avec lequel il nourrissait une amitié autour des cabarets parisiens où ils chantaient ensemble. “Prends-le et mets-y ta musique dessus s’il te chante” lui dit à peu près cet homme, qui se nommait… Atahualpa Yupanqui !

Le titre en est Mi Guitarra, si je ne me trompe. Maldonado nous en traduisit quelques vers : un chanteur et sa vie faite de femmes, de sentiments, de pays, d’époques, d’emmerdes, de bonheurs… toute une vie comme une poignée de sable qu’il serre de toute la force de ses doigts pour le retenir. Et lorsqu’au terme de sa route il ouvre enfin la main, il n’y a plus rien. Il ne reste que sa guitare…

Alors, avec une voix chaude, vibrante, parfaitement juste et timbrée, une voix assez proche de celle d’un Juan Cedron de jadis par exemple, une voix que n’eût pas désavoué le grand Gardel, le chant de Maldonado éleva avec une élégance extrême une plainte déchirante, mais sans pathos aucun. Une plainte drapée d’honneur et sapée de frais comme un tanguero. Un chef-d’oeuvre.

Est-ce indiscret de révéler que la centaine d’admirateurs de l’auteur présents ce soir-là, dont maints guitaristes et musiciens de renom ou aficionados anonymes, émettaient un silence de gorges nouées par le poème, retenaient des yeux au bord des larmes par la musique ? Moment inoubliable assurément, où l’homme que nous fêtions ce soir-là, rappelait soudain au coeur de chacun ce petit théâtre d’amour et de douleur, d’erreurs et de générosités qu’est une vie, là-bas, dans la Pampa, rue de Cimarosa, 75016 Paris…

Mais au creux de cette chanson sublime, de quoi la guitare était-elle le nom ? Elle n’était plus cette caisse de bois dont certains grattent les cordes jour après jour, elle n’était pas davantage cet instrument de musique courtoise et mondaine, ou à la légitimité toute populaire. Par les mots aussi forts que simples de Yupanqui, par les sons aussi bouleversants que doux de Maldonado, soudain, sous nos yeux, la guitare échappait  à elle-même, échappait à ses pays, à ses fidèles, à ses manies, à ses limites.         

Face à la beauté du monde, des êtres, des corps, face à la misère, à la solitude, face à l’injustice et à tant d’autres maux sur terre, face au temps qui passe et au silence éternel de l’univers qui nous entoure, la guitare n’était plus qu’une seule chose : nous-mêmes…

Merci Maestro Maldonado de nous l’avoir rappelé, en chantant !

 
                                                                                                                                                                                    Arnaud Dumond

 

De g. à dr. : Raul Maldonado et son épouse, Arnaud Dumond, Gérard Verba, Zdenka Ostadalova & José Mendoza
De g. à dr. : Raul Maldonado et son épouse, Arnaud Dumond, Gérard Verba, Zdenka Ostadalova & José Mendoza