HOMMAGE A ANDRE DUCHOSSOIR

André DUCHOSSOIR (1949-2020)

le Pape international de l’histoire de la guitare vintage n’est plus…

Arnaud Legrand et Andre- Duchossoir
Arnaud Legrand et André Duchossoir

C’est avec la plus profonde tristesse et révérence que j’écris ces quelques lignes en mémoire à mon Maître et ami André Duchossoir, qui nous a quittés le 17 novembre 2020 à la suite d’un problème de santé aussi offensif que désarmant.

Dans le monde entier, des États-Unis au Japon, en passant par l’Angleterre et bien entendu la France, André Duchossoir est reconnu depuis la fin des années soixante-dix comme le « Pape », sinon le « Père fondateur », de la littérature sérieuse et finement documentée sur la guitare Vintage à cordes métalliques.

Comment expliquer à celui qui découvrirait  – avec bonheur – aujourd’hui son nom : c’est bien simple, c’est lui qui a tout écrit sur Gibson, Fender et autres, ou presque… 

Toutes les publications d’André Duchossoir – une douzaine de livres et des dizaines d’articles publiés en France et aux Etats-Unis – sont des ouvrages de références. Publiés en français et en anglais, il n’est pas un nouveau livre qui sort sur le sujet « guitare vintage » qui ne lui emprunte, pas un néophyte qui ne le recopie, pas un internaute qui ne le pille, pas un « YouTubeur » ou quelconque « influenceur » de par le monde qui ne le cite sans trop savoir d’où il tient ce qu’il perroquète. 

Gibson Electrics Vintage Vertigo Guitar Identification Fender Stratocaster 2 Fender Telecaster

Fils du musicien réputé René Duchossoir, surnommé « La Godasse » par Django Reinhardt en personne, il eut la chance de vivre « le métier » de l’intérieur et accessoirement de faire son apprentissage sur des Gibson d’exception que son père, lui-même piqué de belle lutherie, lui passait pour se faire les doigts. Il n’avait de cesse de s’étonner encore de ce privilège, de cette joie. André signa longtemps ses articles avec des initiales « A. R. », accolant ainsi la sienne à celle de son père, un clin d’œil qui en dit long sur l’amour qu’il lui portait.

Avec les Frères Jacobacci, chez qui il passa des heures et des heures depuis l’adolescence jusqu’à l’âge adulte, puis nourrissant une curiosité insatiable aux cotés de Patrice Bastien et Jacques Mazzoleni, pionniers internationaux et historiques du commerce de guitares vintage (on se souviendra de la boutique séminale Guitar Express sise Place de la Nation à Paris), il va noter toutes les caractéristiques de chaque instrument ancien croisé, dans les moindres détails, jusqu’à la moindre vis ou spécificité. Des voyages répétés aux États-Unis, jusque dans les archives des grandes maisons comme Gibson ou Fender, il tirera avec une intelligence analytique rare et la voracité d’un Gargantua la substantifique moelle des petites et grandes lignes de l’histoire de la facture des guitares à cordes métalliques nées au Nouveau Monde. Les Américains les premiers furent impressionnés par ses travaux et si André Duchossoir est un prophète en son pays, ce n’est rien comparé à son aura aux USA. George Gruhn en personne ne me fera pas mentir en disant qu’il y a encore très peu de temps de cela, il ne se passait pas un mois sans une demi-douzaine de coups de fil à André à propos d’un détail sur telle ou telle guitare Gibson rare ou Fender inédite !

Ses livres furent écrits sur son temps libre. Élève doué et étudiant brillant, diplômé d’une grande école de commerce, André Duchossoir avait un métier extrêmement « sérieux » aux responsabilités illimitées, où l’erreur et l’approximation n’existent pas. C’est avec la même approche et rigueur, qui lui valait parfois les boutades et taquineries de ses amis proches, qu’il a œuvré dans son jardin secret de la guitare vintage. A noter que notre homme n’était pas moins calé en matière d’aviation  « vintage »…

Universitaire dans la méthode, chercheur dans l’âme, il a su porter la curiosité et la pugnacité de ces deux qualités à degré d’exigence jamais égalée à ce jour dans ce domaine. En cela, même s’il n’en avait pas le titre officiel, André Duchossoir aura été un véritable organologue, un scientifique de la facture instrumentale et un historien des instruments de musique. 

D’entre tous ses sujets de prédilections, comme les Custom Colors de chez Fender, il faut noter sa préférence et son savoir systémique sur les guitares Gibson. 

Pas une rencontre, pas une conversation où il ne dévoilait un chapitre entier sur le sujet qu’il n’avait pas pu détailler pleinement dans ses ouvrages. 

Gibson, dont on peut aujourd’hui légitimement souhaiter un hommage officiel, en sait toujours moins à l’heure actuelle sur sa propre histoire que ce qu’André Duchossoir avait encore à en dire. C’est lui qui sauva, organisa, analysa et interpréta toutes les archives de l’usine de Kalamazoo. 

Après une vie remplie de publications attendues comme un nouvel évangile par tout afficionado du genre, ses derniers articles parurent dans les trois opus de la revue haut de gamme française Vintage Vertigo, composés par la « Troïka Vintage » : François Charle, André Duchossoir et Arnaud Legrand. Il avait décidé récemment que Vintage Vertigo, serait sa dernière progéniture. Nous prîmes tous les trois un plaisir monstre à la réalisation de ces ouvrages.

Ses conseils et soutien étaient le meilleur aval qui soit dans mon travail et nous échangions encore il y a peu avec André sur les guitares Favino de son père. Nous avons évoqué ensemble tout ce temps passé et volé à d’autres plaisirs de la vie consacré à parler « des autres », pas n’importe quels « autres », des Hommes de l’Art que sont les luthiers, les grandes marques aussi, qui méritent de ne pas disparaître dans les limbes et dont il faut écrire l’Histoire car, là, réside la culture.

Nous avons conclu que c’était un brin déraisonnable, sans doute aussi juvénile, mais que c’est le devoir des passionnés et des passeurs, et, enfin, qu’elle est belle la vie quand on aime ! Voilà, c’est tout.

               Oui, il va falloir se passer du Maître, certes, mais pas de son enseignement.

               Mes pensées affectueuses vont à sa femme et à son fils. 

               Merci « Mahatma André », bisettes et reconnaissance.

Arnaud Legrand
Le Grand Atelier